L’AJDOM a le plaisir de relayer la publication de Caroline Bouix, membre de l’association, dans le Volume 30 du Comparative Law Journal of the Pacific.
Résumé : « La Nouvelle-Calédonie est un archipel français du Pacifique Sud à l’histoire tourmentée. De possession coloniale rattachée aux Établissements français du Pacifique dès 1853, elle est devenue Territoire d’Outre-mer en 1946 et est aujourd’hui collectivité sui generis depuis l’Accord de Nouméa du 5 mai 1998 et les articles 76 et 77 de la Constitution française mis en œuvre par la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie du 19 mars 1999. Ce statut institutionnel crée une situation de pluralisme juridique permettant d’articuler les droits des personnes issues de cette colonisation de peuplement avec ceux du peuple autochtone, les Kanak.
D’une part, après avoir défini les conditions d’accès au statut coutumier Kanak et déterminé les contours des terres coutumières, la loi organique reconnaît le champ d’application des coutumes Kanak au sein de l’ordre juridique français. Sont ainsi régis par celles-ci les personnes de statut coutumier, en matière de droit civil, et les terres coutumières. Ceci s’accompagne d’un aménagement juridictionnel. Les juridictions judiciaires de droit commun en Nouvelle-Calédonie, i.e. le tribunal de première instance et la Cour d’appel de Nouméa, connaissent en effet en leur sein une formation coutumière destinée à appliquer les coutumes Kanak. Ces formations sont ainsi composées d’un magistrat professionnel et de deux assesseurs coutumiers. Ces derniers représentent les aires coutumières de la Nouvelle-Calédonie et éclairent la juridiction sur le sens des différentes coutumes Kanak. Leur rôle ne se limite pas à un simple avis consultatif puisqu’ils ont voix délibératives. Se développe ainsi un droit jurisprudentiel composé des décisions rendues par des juridictions étatiques appliquant les coutumes Kanak.
D’autre part, la loi organique donne compétence au Congrès de la Nouvelle-Calédonie pour adopter des lois du pays, ayant une véritable valeur législative locale, concernant le statut civil coutumier ou encore le régime des terres coutumières et palabres coutumiers. Ces domaines touchant l’identité Kanak, le Sénat coutumier de la Nouvelle-Calédonie est préalablement consulté. Sur ce fondement, s’est donc créé un droit coutumier législatif, s’attachant pour l’heure, de manière quantitativement limitée, à instaurer des règles essentiellement procédurales.
Il apparaît que la traduction juridique des coutumes par la voie écrite résultant de la jurisprudence ou de la loi du pays, tant sur le fond que sur la procédure, n’est pas sans influence sur le contenu de celle-ci. L’observation et l’analyse des décisions rendues par les formations coutumières amènent à constater l’influence du droit français par le recours à des notions civilistes issues de la culture juridique française. L’étude des lois du pays portant sur les coutumes Kanak conduit au même constat. Naît alors un droit hybride, issu du droit occidental empreint de catégories juridiques prédéterminées et soucieux de sécurité juridique, à partir d’une source traditionnelle intrinsèquement orale. On peut dès lors se demander dans quelle mesure ce processus juridique conduit à une transmutation des coutumes Kanak, en confrontant une logique juridique individualiste à une culture océanienne, marquée par une approche holistique persistante ».
Pour lire la suite de cette publication, librement téléchargeable en ligne : Caroline Bouix, « L’emprunt du droit civil français par le droit civil coutumier Kanak », Comparative Law Journal of the Pacific, vol. 30, 2024, p. 41-58, disponible en ligne [https://www.wgtn.ac.nz/law/research/publications/about-nzacl/publications/cljpjdcp-journals/volume-30-2024].
Bonne lecture !